Paroles _ Denis Girard (janvier 2012)

Dans cette vie chacun son kayak
Comme un beau cadeau à la naissance
On pleure dans la première descente
Du ventre si doux de sa maman
On apprend vite à le faire flotter
Sur les durs rapides de l’école
Le cœur détraqué par la violence
La fine cruauté et le mépris

Dans cette vie chacun son kayak
Comme une frêle coquille dans la famille
Dans les orages de l’adolescence
Quand la méchanceté y fourmille
Blindé dans la prison des silences
En rêvant du troublant corps des filles
Notre kayak chavire et se brise
Sous la chaude guimauve de l’amour

Dans cette vie chacun son kayak
On le croit à jamais fait pour deux
Et l’on étire notre frêle voilier
Qui doucement s’envole éthéré
On invente même les plus beaux enfants
Et capitane du bel équipage
On file toutes voiles dehors vers le large
Vers l’azur bleu et le beau temps

Dans cette vie chacun son kayak
Soudain l’esquif chargé se déchire
La femme quitte la première le navire
Le capitaine calcule les dégâts
Les enfants préparent leurs neuves croisières
Les deux parents retrouvent leurs affaires
Ils rapiècent seuls leurs vieilles voilures

Dans cette vie chacun son kayak
Les amis nous réchauffent le coeur
Ils partagent les voyages les conquêtes
Pour chaque kayak un seul modèle
Son grain de peau, sa coque, sa voilure
Comme figure de proue la signature
De cet authentique grand inventeur
L’homme seul génie de sa folle vie

Dans cette vie chacun son kayak
On sait la force des vents des marées
Les récifs éventrent tant de bateaux
Que le vieux loup vogue l’œil aux aguets
Le grand océan tellement l’attire
À chaque voyage le large le grise
Se savoir seul avec des milliers
Ému de son audace d’être lui

Dans cette vie chacun son kayak
L’amour l’a envoyé par le fond
Et tant mieux si la romance le brise
La passion vaut cent fois la dérive
On sourit quand on coule à la fin
Tous les visages défilent sur les vagues
Et puis le vide prend sa grande place
La mort frappe comme un violent baiser